13ème dimanche du temps ordinaire – Année A
Puisque nous n’avons pas les Commentaires de Charles de Foucauld aux chapitres 9 et 10 de l’Evangile de Matthieu, nous proposons un commentaire à l’évangile en parallèle Lc 14,26-27
« Si quelqu’un ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses fils, ses frères, ses sœurs et soi-même, il ne peut être mon disciple. »
Cela veut dire : si quelqu’un ne me préfère pas à…, si quelqu’un n’est pas prêt à quitter pour moi… si quelqu’un n’est pas prêt à sacrifier pour moi… son père, etc., il ne peut être mon disciple. Que vous êtes bon, mon Dieu, que vous êtes suavement, divinement bon! Pouvez-vous, tout Dieu que vous êtes, ô mon Tout-Puissant et Bien-aimé Seigneur, nous faire un commandement plus doux, plus tendre, plus cher, pour un cœur qui vous aime, que de lui ordonner de vous préférer à tout, d’être prêt à tout quitter, tout sacrifier pour vous?.. Pouvez-vous faire à votre pauvre créature un commandement plus suave que de lui dire de vider son cœur de tout ce qui n’est pas vous, de se dépouiller de tout attachement à ce qui n’est pas vous, de vous donner son cœur tout entier, sans réserve et sans partage ! Mon Dieu, quel commandement ineffablement doux ! Que vous êtes bon ! Et que nous sommes heureux !
Préférons Notre Seigneur à tout… Soyons prêts à tout quitter sur un mot de lui, comme saint Pierre et les fils de Zébédée. Soyons prêts à tout lui sacrifier, comme la sainte Vierge offrit à Dieu son fils, acceptant le sacrifice de la croix, comme Abraham sacrifia Isaac. Ce n’est pas qu’il ne faille aimer ses enfants : la sainte Vierge aimait Notre Seigneur à l’infini, Abraham aimait Isaac, mais il faut aimer Dieu par-dessus tout et faire ce qu’il demande, quoi que ce soit… De plus, il ne faut aimer les créatures que pour Dieu, en vue de Dieu, parce que Dieu l’ordonne : sans doute, il faut aimer ses parents, ses enfants, ses amis, et tous les hommes, « aimez-vous les uns les autres, c’est à cela qu’on verra que vous êtes mes disciples », mais il faut les aimer non pour eux, mais pour Dieu, non parce qu’ils semblent aimables, mais parce que Dieu ordonne de les aimer ; il ne faut pas donner à Dieu les 3/4 ou les 9/10 de son cœur, et réserver le reste pour les créatures ; non, non, non : il n’y a pas de comparaison entre Dieu et les créatures ; lui donner des compagnons, c’est lui faire injure ; admettre dans notre cœur d’autres que lui au même titre que lui, c’est lui donner pour ainsi dire des égaux, c’est l’insulter. Nul n’est égal à Dieu : « Qui est comme Dieu ? » ; il faut à Dieu tout notre cœur, les 4/4, les 10/10… Lui seul doit le remplir tout entier. A la vérité, nous aimerons aussi les créatures et nous les aimerons même d’autant plus que nous aimerons plus Dieu ; mais nous ne les aimerons pas pour elles, nous les aimerons pour Dieu ; cet amour ne sera ni séparé, ni différent de celui de Dieu, il ne viendra pas de nous : il fera partie de l’amour de Dieu, et il viendra de lui : il nous sera inspiré par lui, donné par lui comme un don, comme une vertu, dont il nous gratifie, après que nous l’avons mis seul en possession de tout notre cœur. Une fois qu’il est là, seul régnant en Maître Souverain, sans rival et sans obstacle, il gratifie l’âme qui s’est ainsi donnée toute, tout entière à lui, de vertus et de dons; il lui donne l’humilité, le courage, la force, les dons du Saint-Esprit, il lui donne aussi l’amour du prochain, « il ordonne en elle la charité ».
Mon Seigneur et mon Dieu, faites-moi la grâce de bien vider mon cœur de toute créature, et surtout de moi-même, et de vous le donner tout entier, bien vide de tout ce qui n’est pas vous ; et puis ensuite accomplissez votre œuvre en votre serviteur comme il vous plaira ! [1]
[1] M/376, sur Lc 14,25-26, en C. de Foucauld, L’imitation du Bien-Aimé. Méditations sur les Saints Evangiles (2), Nouvelle Cité, Montrouge 1997, 69-71.