« Il sera donné à celui qui a et il sera dans l’abondance ; et celui qui n’a pas, même ce qu’il semble avoir lui sera ôté »…
Ô divin enfant Jésus, aux pieds de qui je suis, entre vos saints parents, contre eux, à qui vous m’avez donné aussi pour parents, vous que j’adore pendant cette nuit dans votre voyage vers l’Egypte, dans le coin d’hôtellerie où vous reposez entre les bras et sous les yeux de Marie et de Joseph, puisque vous voulez que tout en vous regardant je médite vos paroles, faites-moi les comprendre, faites-m’en comprendre ce que vous voulez que j’en comprenne… En quoi paraît le plus votre cœur en ces paroles, ô si doux enfant Jésus !.. J’ai donné à l’un 5 talents, à l’autre plus, à l’autre moins, à tous quelque chose, songe à ce que je t’ai donné et tombe en adoration devant mes infinies bontés et les miséricordes de mon cœur… Repasse les bienfaits généraux, la création, l’Amour et la volonté de ton salut, de toute éternité, les bienfaits de l’ancien testament dont tu jouis, l’Incarnation, toute ma vie sur la terre, pendant tous les instants de laquelle je t’ai vu, aimé, j’ai agi et souffert pour toi et t’ai rempli de biens, tous les bienfaits répandus dans le monde et surtout dans mon Église, depuis l’Ascension, ta naissance, ton baptême, ton éducation chrétienne, ta première Communion, tant de douceurs dont j’ai rempli ta vie, ta préservation dans les dangers lorsque tu étais loin de moi et que la mort t’eût conduit en enfer… Ma protection pour t’empêcher de tomber dans de plus grands péchés, protection toute spéciale et bien remarquable, si tu la considères, je t’en empêchais malgré toi, ta conversion, ta vocation à la vie religieuse, ton directeur, tant de grâces, de douceurs, la Trappe, la vie d’ermite, ton séjour à Nazareth où je t’ai si visiblement établi et maintenu de ma main, les incomparables douceurs, la paix et la jubilation que tu y as trouvées… Voilà une faible partie, mon enfant, des talents que tu as reçus de moi… Juge de l’arbre à ses fruits, de mon Cœur à mes bontés, de mon Amour à mes bienfaits… Merci, merci, merci ! Mon Dieu ! Ô si doux Enfant Jésus, je me mets à vos pieds de tout, de tout mon cœur et je vous demande une seule chose pour moi, c’est d’être reconnaissant et fidèle ?.. Il me semble, mon Dieu, que cela me suffit, car c’est vous rendre tout, vous à qui je dois tout, c’est vous aimer et vous servir le mieux qu’il m’est possible, pendant tous les instants de ma vie, Vous de qui je tiens tous ces instants, tout ce que j’ai et tout ce que je suis… Que vous êtes bon, que vous êtes tendre et aimant, ô bien-aimé Seigneur Jésus ! Il nous sera demandé compte de tout ce que nous avons reçu… Et puisque j’ai tant reçu, il me sera beaucoup demandé !.. Si j’ai beaucoup plus reçu que la plupart des hommes… la conversion, la vocation religieuse, la Trappe, la vie d’ermite, Nazareth, la communion quotidienne, et tant d’autres grâces, il me sera beaucoup demandé… Mon Seigneur et mon Dieu, que faut-il faire pour vous rendre ce que vous m’avez donné et faire fructifier tous ces dons, puisque vous m’en demanderez compte… Dites-moi encore cela, ô si doux enfant Jésus ! Je vous le demande, blotti à vos pieds, en vous adorant et vous regardant entre vos saints Parents… Je vous le demande par leur intercession… Dites-le moi, divin enfant Jésus, et faites-le moi faire, afin que, comme je suis en ce moment contre vous à vos pieds, entre Jésus et Marie, ainsi je sois (mais avec plus de perfection de ma part) pendant tous les instants de ma vie et durant l’éternité… Ô Jésus adoré, dites-moi-le, puisque vous voulez que j’y pense, tout en vous veillant et vous adorant durant cette nuit que votre présence rend si douce ; dites-le moi et rendez-moi fidèle à le faire, fidèle pour moi, afin que je sois toujours dans votre amour, dans votre Cœur, que je vous tienne souvent, quoique si indigne, dans mes bras, durant cette vie et ensuite pendant toute l’éternité; mais dites-le moi surtout, et infiniment plus, pour que je console le plus possible votre Cœur, que je vous glorifie le plus possible pendant toute ma vie ici-bas et pendant l’éternité ; car bien que je sois obligé de m’aimer, c’est vous que je dois aimer avant tout, mon Dieu, et je veux vous aimer tellement, tellement que l’amour de moi et de toute créature soit perdu et noyé dans ce principal, submergeant et inondant amour que je veux et que je dois avoir pour Vous, mon Seigneur et mon Dieu… Tout en vue de Vous, ô divin enfant Jésus, tout en vous, par vous et, pour vous… Répondez-moi, ô si doux enfant Jésus, comment vous rendrai-je ce que je vous dois?.. En obéissant, en obéissant à ton directeur: ceci contient tout… Tu dois obéir à moi, à moi, te parlant par l’Evangile, par la sainte Ecriture, à moi, te parlant par l’Eglise mon épouse, à moi, te parlant par la droite raison que j’ai mise en toi, à moi, te parlant par les inspirations que ma grâce te suggère d’heure en heure… Mais cette obéissance unique que tu me dois à moi te parlant par ces 4 moyens, tu me la rends pleinement en étant pleinement ouvert envers ton directeur, en lui rendant compte de tout ce qui se passe en ton âme et en lui obéissant en tout: c’est lui qui te dira ce que je veux de toi et qui t’interprétera en mon nom et les Saintes Écritures et les paroles de l’Église et les jugements de la raison et les mouvements de la grâce : c’est lui qui en mon nom (« Qui vous écoute m’écoute ») interprétera tout, expliquera tout; en lui obéissant parfaitement à lui, en vue de moi, tu m’obéiras parfaitement à moi… Et c’est le seul moyen que tu aies pour m’obéir ; car je veux, modèle des hommes, qu’ils suivent exemple et marchent par la voie que j’ai suivie ; or j’ai, tu le vois, marché par la voie d’obéissance, moi qui suis en ce moment petit enfant dans les langes, ne pouvant faire un pas, et me laissant porter où on veut et comme on veut : c’est l’exemple que je te donne ; obéis comme moi quand j’étais dans les langes ; sans l’ombre de résistance, sans dire un mot… Parle pour ouvrir ton âme, pour exprimer tout ce qui s’y passe, répugnances, désirs, grâces, tentations, tout ; mais ceci fait, sois muet, obéissant et comme moi enfant de quelques semaines ; imite-moi au temps où j’étais porté vers l’Egypte…
Donc, tu me rends tout en obéissant à ton directeur en tout ; car en lui obéissant en vue de moi, tu m’obéis à moi qui te le commande ; en m’obéissant, tu fais ma volonté; en faisant ma volonté, tu me procures la plus grande gloire qu’il te soit possible de me procurer: en me procurant cette plus grande gloire tu accomplis la fin pour laquelle tu es créé et en même temps tu m’aimes le plus qu’il est possible, ce qui est ton premier devoir… Ainsi, voilà ma réponse : obéis en tout à ton directeur, en vue de moi, et ouvre-toi parfaitement à lui. Tu me rendras ainsi tout ce que tu me dois, autant que le peut un homme… Merci, merci, merci, ô si doux enfant Jésus ; secourez-moi pour que j’accomplisse parfaitement vos paroles, en vous, par vous et pour vous. Amen[1].
[1] M/157, sur Mt 25,14-30, en C. de Foucauld, La bonté de Dieu. Méditations sur les Saints Évangiles (1), Nouvelle Cité, Montrouge 1996, 27-30.