5ème Dimanche du Temps Pascal – Année B
« Demeurez en moi… Si vous restez en moi et si mes paroles aussi restent en vous, demandez ce que vous voudrez et cela vous sera fait… Ce qui glorifie mon Père, c’est que vous rapportiez beaucoup de fruit et que vous deveniez mes disciples. »
« Demeurez en moi » par l’amour, aimez-moi. Si vous m’aimez et si vous m’obéissez, je vous accorderai toutes vos demandes… La gloire de Dieu, c’est que vous rapportiez des fruits de sainteté dans vos âmes et dans les âmes du prochain… que vous sanctifiiez et vous-mêmes et le prochain… et que vous me suiviez, m’imitiez comme de fidèles disciples (« Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il me suive)… Que vous êtes bon, mon Dieu, et de vous oublier à ce point en cette nuit funèbre ! Dans quelques moments vous agoniserez, vous serez arrêté, dans quelques moments commencera votre passion, et vous n’avez pas un souvenir pour vous, vous êtes tout à fortifier, consoler vos disciples et nous tous !.. Que vous êtes bon de nous répéter et répéter sans vous lasser, sous cent formes, les mêmes enseignements fondamentaux que vous voulez imprimer ineffaçablement dans les âmes !.. Que vous êtes bon de nous donner ces principes si généraux, si vastes, qui embrassent toute notre vie et dont chacun sert de direction pour tous les moments de l’existence : en quelques mots vous nous en donnez ici six dont chacun s’étend à tous nos instants et à tous nos actes intérieurs et extérieurs, à toutes nos pensées, paroles et actions ; car vous nous appelez à vous aimer, à vous obéir, à vous prier, à chercher la gloire de Dieu, à produire la sanctification de nous-mêmes et du prochain, à vous imiter : chacune de ces choses, nous devons la faire en tous nos instants, en toutes nos pensées, paroles et actions !.. Et que vous êtes bon, de nous donner ces instructions avec une si incomparable tendresse, dans des termes si transportants, qui nous enlèvent, nous ravissent, nous font défaillir par leur suavité caressante et leur douceur céleste!.. Et enfin, et surtout, si on peut dire surtout quand il s’agit de paroles et d’œuvres toutes infiniment parfaites, toutes divines, que vous êtes bon de continuer jusqu’à la dernière minute cette œuvre que vous poursuivez dans toutes vos paroles et toutes vos actions rapportées par les saints Évangiles, cette œuvre pleine d’amour que vous dites être venu accomplir sur la terre, et dont l’accomplissement est, dites-vous, votre seul désir, le seul objet de votre volonté : « Je suis venu porter le feu sur la terre ; que veux-je sinon qu’il s’allume ? » Votre œuvre, votre but, le seul objet de votre volonté, c’est d’allumer dans nos cœurs le feu de l’amour, de l’amour de Dieu d’abord, de l’amour des hommes ensuite (conséquence et effet de l’amour de Dieu) ; vous faites merveilleusement cette œuvre par ces quelques mots si pleins : vous nous commandez de vous aimer; vous nous jetez dans l’amour en nous jetant dans l’obéissance qui lui est indissolublement unie ; vous nous jetez dans l’amour en nous jetant dans la prière et par elle dans la contemplation qui est nécessairement unie à l’amour ; vous nous jetez dans l’amour en nous apprenant à chercher en tout la seule gloire de Dieu, ce qui est l’effet du parfait amour, ce qui, comme l’obéissance, comme la contemplation, comme l’imitation, comme la sanctification de soi et des autres, est en même temps effet, cause et compagnon de l’amour, résultant de lui, le produisant, l’accompagnant, en étant fille, mère et sœur ; vous nous jetez dans l’amour en nous appelant à sanctifier et nous-mêmes et les autres, ce qui n’est que développer en nous et en eux l’amour divin et ses fruits, que provoquer en nous et en eux l’accomplissement des deux premiers préceptes qui renferment tous les autres (le premier seul renferme et le deuxième et tous) : « aime Dieu, aime le prochain » ; vous nous jetez dans l’amour en nous appelant à vous imiter, l’imitation étant, comme l’obéissance, nécessairement et indissolublement liée à l’amour !.. Que vous êtes divinement bon ! Que vous nous aimez, ô Cœur de Jésus ! Comme vous nous donnez toute votre tendresse, tout vous-même, tous les biens, tous vos trésors, avant de verser pour nous tout votre sang !.. Ô mon Dieu, comme votre amour me montre mon ingratitude ! Cœur sacré de Jésus, je vous adore, merci, pardon, secourez-nous pour que nous soyons reconnaissants et fidèles !
« Demeurez en moi (amour)… Si vous demeurez en moi et mes paroles demeurent en vous (obéissance), demandez ce que vous voudrez (prière, contemplation)… Ce qui glorifie mon Père (gloire de Dieu), c’est que vous rapportiez beaucoup de fruit (sanctification de soi et du prochain) et que vous deveniez mes disciples (imitation). » Ces paroles contiennent tout le fondement de notre vie spirituelle… Notre fin suprême est la manifestation de la gloire de Dieu ; notre moyen de manifester la gloire de Dieu est la sanctification de nous-mêmes et du prochain, laquelle constitue par là notre fin secondaire ; notre moyen de sanctifier et nous-mêmes et le prochain est d’aimer Dieu parfaitement.
(En aimant Dieu parfaitement nous accomplissons et le premier devoir et tous les autres, lesquels y sont compris, et ainsi nous nous sanctifions parfaitement. En aimant Dieu parfaitement nous sanctifions aussi le prochain autant qu’il nous est possible de le faire, car, nos prières pour lui, nos exemples, nos œuvres de zèle en sa faveur, n’ont d’efficacité que dans la mesure de notre amour pour Dieu — et de notre perfection, ce qui est la même chose — ; si nous voulons donc lui faire du bien par nos prières, nos pénitences, nos exemples, nos paroles, nos œuvres, il ne faut point nous mettre d’abord à prier, à parler, à agir, mais il faut nous mettre d’abord à l’œuvre de notre propre conversion, de notre propre sanctification, de notre propre perfection, c’est-à-dire, de notre propre établissement dans l’amour divin qui contient toute perfection, et quand nous y serons établis, confirmés, alors seulement nous pourrons avec fruit, prier, parler, agir en vue de la sanctification des autres; alors Dieu fera produire à nos moindres soupirs, nos moindres paroles, nos moindres actes un fruit admirable, tandis que les efforts que nous ferons pour faire du bien aux autres, avant d’être nous-mêmes établis dans l’amour divin, seront sans aucun résultat sérieux, quelque grands qu’ils soient — « Le fruit des œuvres entreprises pour le bien des âmes est en raison directe de l’esprit intérieur qui les anime », établit saint Jean de la Croix; sainte Thérèse fait la même remarque et la confirme par sa propre histoire. — En outre il faut se souvenir qu’en s’établissant soi-même dans la perfection, dans l’amour divin, on fait un bien extrême aux âmes par la « communion des saints »… Ainsi, en aimant Dieu nous-mêmes, non seulement nous nous sanctifions parfaitement, mais nous faisons pour le bien du prochain le plus qui nous est possible… Si une fois que nous serons pleinement établis dans l’amour divin, Dieu veut que nous fassions quelque chose de particulier pour le bien du prochain, lui-même nous l’inspirera, nous le fera faire dans cet amour divin même, par cet amour divin. Ces œuvres seront alors un fruit de l’amour de Dieu vraiment planté et s’épanouissant en nous ; ce ne sera pas quelque chose de différent de cet arbre céleste de l’amour de Dieu remplissant à lui seul toute notre âme, ce sera les fruits mêmes de cet amour divin).
— Continuons après cette longue parenthèse. —
Le moyen d’aimer Dieu parfaitement est de lui obéir, l’imiter et le contempler… Toute notre vie spirituelle se trouve donc résumée dans ces quelques mots de Jésus : notre fin suprême, la manifestation de la gloire de Dieu ; notre moyen de l’atteindre, c’est-à-dire notre fin secondaire, la sanctification de nous-mêmes et du prochain : notre moyen d’accomplir cette double sanctification, aimer Dieu ; les actes par lesquels nous nous établirons dans cet amour, moyennant sa grâce, l’obéissance à Dieu, l’imitation de Jésus, la contemplation de Dieu… « Fac hoc et vives ! »… Que vous êtes bon, mon Dieu, qui réduisez toute notre vie spirituelle, toute l’œuvre de notre sanctification, de notre salut, tous nos devoirs au seul amour, au seul amour de l’Être tout aimable, de l’Être tout beau, tout parfait, tout ravissant… Mon Dieu, que vous êtes divinement bon ! Se peut-il que nous vous soyons infidèles ! Et pourtant, moi le premier, hélas! je le suis tous les jours. Secourez-moi, mon Dieu, afin que je ne le sois plus à l’avenir, que je sois désormais reconnaissant et fidèle, que j’entre enfin dans cette vie d’amour de Dieu à la porte de laquelle je reste depuis si longtemps sans y entrer, par ma faute… Secourez-moi, secourez-moi… Seigneur, je frappe, ouvrez-moi ! Ouvrez-moi la porte de votre amour ! Je vous le demande en votre nom, ouvrez-moi ! Je vous le demande en votre nom, ô Jésus Bien-aimé, faites-moi vous aimer !.. Ô Cœur sacré de Jésus, faites-moi vous aimer !.. Et je vous demande, ô Cœur sacré de Jésus, cette même grâce pour tous les hommes, par l’intercession de votre Mère chérie, la très sainte vierge Marie[1] !
[1] M/491, sur Jn 14,31-15,8, en C. de Foucauld, L’imitation du Bien-Aimé, Méditations sur les Saints Évangiles (2), Nouvelle Cité, Montrouge 1997, 224-228.