Disciples de l'Évangile

Commentaire de Charles à l’Évangile du 9 juin – Mc 3, 7-35

10ème Dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Que de grâces, que d’enseignements racontés dans ces versets !.. Vous choisissez vos apôtres et Vous les envoyez « prêcher, guérir et chasser les démons », faire à la fois du bien aux âmes et aux corps… Que Vous êtes bon de fonder ainsi Votre Église, en désignant ses premières pierres, en donnant leur mission aux premiers pasteurs ! Que Vous êtes bon de les envoyer convertir les âmes ! Que Vous êtes bon de leur ordonner en même temps de guérir les corps ! Sans doute, c’est surtout pour donner de la force à leurs paroles, pour donner une preuve de leur mission divine et de la divinité de leur doctrine, que Vous leur donnez ce pouvoir miraculeux ; mais ne faut-il pas voir outre ce premier motif de votre commandement, un autre : la volonté que Votre Église, que vos disciples, que Vos fidèles, suivant Votre constant exemple, fassent toujours du bien non seulement aux âmes mais aux corps ? Toujours Votre Église, toujours Vos saints ont à Votre exemple joint au zèle des âmes la tendre sollicitude pour le soulagement des corps, comme s’ils avaient considéré que Vous leur enjoignez ici, non seulement de prêcher, mais de guérir, à Votre exemple ; et en effet, que font Vos pasteurs dans tous les temps sinon continuer Votre mission, continuer Vos œuvres ?.. Merci, mon Dieu, de travailler tellement au salut des âmes, à la prédication, aux œuvres de miséricorde, que Vous ne prenez même pas le temps de manger !.. Merci d’accomplir tout ce bien, de faire tous ces travaux, non seulement sans soulagement, sans récompense humaine, mais au milieu d’une contradiction, d’une opposition générale, bien plus, malgré les persécutions, les injures, les menaces, les périls auxquels cela Vous expose. « Il est fou », dit Votre famille ; « Il est possédé du démon », disent les prêtres ; et Vos parents veulent Vous arracher comme de force à Vos œuvres… Que Vous souffrez pour nous, mon Dieu : merci ! Et au milieu de ce soulèvement général, quelles sont Vos pensées, Vos paroles ? Les plus divinement douces qui puissent s’exprimer et s’entendre : « Tous les hommes, dites-Vous, sont à la fois vos frères, vos sœurs et vos mères, s’ils accomplissent la volonté de Dieu !.. Il dépend de moi d’être votre frère, votre sœur, votre mère ! Ô bonheur des bonheurs ! Douceur des douceurs ! Ô Seigneur, que Vous êtes bon !

Faisons du bien aux corps et aux âmes : nous n’avons pas tous à prêcher comme les apôtres, comme les missionnaires ; nous n’avons pas tous à guérir les malades comme les apôtres, comme les Sœurs de charité; mais nous avons tous à prêcher et à guérir d’une certaine manière, fussions-nous ermites, tous suivant notre état et les moyens que Dieu met à notre disposition, suivant les devoirs de notre condition, les ordres de notre père spirituel, nous devons, ne fut-ce que par la prière, la pénitence et l’exemple, travailler au bien des âmes et des corps… Et nous devons travailler avec tant de zèle au salut des âmes et au soulagement des corps, à cette double œuvre qui fut l’œuvre de Jésus, qui est en oublier le boire et le manger, y consacrer des jours entiers, y donner tout le temps qui n’est pas employé à rendre à Dieu dans la prière ce que nous Lui devons et à travailler à notre propre sanctification… Mais ce devoir de travailler pour le prochain est si grave qu’il se confond d’une certaine manière avec celui de notre propre sanctification (en ce que nous ne pouvons nous sanctifier sans faire par là même du bien au prochain ; que nous avancions en sainteté, en fidélité, en instruction, en science sacrée, en toute chose bonne, cela profite nécessairement au prochain, fussions-nous ermites ou reclus)… Et inversement, ce que nous faisons directement pour le prochain, profite nécessairement à notre propre sanctification, puisque toute bonne œuvre nous fait avancer en sainteté, et que les œuvres de charité sont particulièrement propres à augmenter en nos cœurs la double charité envers Dieu et envers les hommes ; ainsi nous ne pouvons faire du bien aux autres, sans en faire en même temps à nous… Il n’y a à ce double principe qu’une seule restriction, c’est qu’en tout nous agissions dans l’obéissance à notre père spirituel… et, grâce à cette obéissance, dans la volonté de Dieu, la sagesse et la discrétion… Car autrement nous pourrions nous égarer en faisant à contretemps des choses bonnes en elles-mêmes, qui dans ce cas, par là même qu’elles seraient faites en dehors et contre la volonté de Dieu, ne profiteraient ni à nous ni aux autres ; ainsi, si nous faisions oraison ou étudiions la parole de Dieu à l’heure où nous devrions faire autre chose, nous ne faisons du bien ni à nous ni au prochain ; si nous passons à exhorter le prochain, à lui donner de bons conseils, le temps que nous devrions passer non à instruire les autres, mais à nous instruire nous-mêmes, Dieu ne bénira pas nos paroles, qui ne profiteront ni à nous ni aux autres… Tout doit être fait dans l’obéissance à Dieu, sous peine d’être infructueux et même pernicieux, si bon que (cela) soit en soi… Et l’obéissance à Dieu nous est assurée par l’obéissance au directeur, au père spirituel.

Et faisons le bien malgré les contradictions, les dangers, les persécutions ; bravons tout quand il s’agit du service de Dieu ; regardons Dieu, Dieu seul : il veut une chose, faisons-la, quoi que puisse penser, dire, faire la terre entière ; que nous importe ? Nous n’aimons pas la terre, nous aimons Jésus ! Ne pensons qu’à notre Bien-aimé ; n’ayons pas un regard pour tout ce qui n’est pas Lui (si ce n’est pour faire du bien, en vue de Lui seul, dans la mesure et de la manière qu’il veut)… Ne nous occupons que d’une chose, ne cherchons qu’une chose : faire la volonté de Dieu ; nous le pouvons toujours, en obéissant à notre directeur, à notre père spirituel, comme Jésus nous en a donné l’exemple « et erat subditus illis [1] », et le précepte : « Celui qui vous écoute, m’écoute »… Si nous avons parfois dans cette œuvre de la peine, des difficultés, des souffrances, consolons-nous par ces paroles de Jésus, si ineffablement douces : « Celui qui fait la volonté de Mon Père est Mon frère, Ma sœur et Ma mère. » Il ne tient qu’à nous d’être frère, sœur, mère de Jésus, et il suffit pour cela de faire en tout Sa volonté : quel bonheur indicible !.. Et au milieu des persécutions, des contradictions, des ennemis, comme Vous, imitons cette douceur inaltérable de Jésus qui, entouré d’ingrats, de malveillants, injurié, ne trouve dans son Cœur que des pensées douces comme le miel et ne laisse échapper de ses lèvres que ces mots d’une tendresse infinie : « Faites la volonté de Mon Père et vous serez Mon frère, Ma sœur et Ma mère ! »[2].


[1] « Et il leur était soumis. »

[2] M/189, sur Mc 3,7-35, en C. de Foucauld, La bonté de Dieu. Méditations sur les Saints Évangiles (1), Nouvelle Cité, Montrouge 1996, 106-109.